Que le lecteur y prenne garde, le second livre de Victor Pouchet ne parle pas au premier sens d’un gibier des forêts. Autoportrait en chevreuil est le récit vivant et mobile d’un héritage compliqué, entre un père « le fou du village », magnétiseur et personnage déraisonnable jusque dans l’éducation de ses deux garçons, et un fils perdu (Elias), « bancal » dans sa vie sentimentale — que le lecteur questionne par son intermédiaire. Le chevreuil : c’est lui, c’est le fils, c’est Élias, à travers une sorte d’animal totem. Et ce roman n’est pas seulement l’affaire d’un narrateur qui souhaite investir son enfance, c’est aussi une révélation de la perspective.
Carnet d’adresses — Didier Blonde
Didier Blonde publiait en février dernier un joli répertoire, précédé d’un récit, chez L’Arbalète Gallimard. Mêlant deux de ses publications précédentes dans ce livre, il fabrique un guide de promenades que nous pourrions utiliser en cas de confinement dans la capitale.
Raboliot — Maurice Genevoix
L’ironie du destin est parfois mordante: aujourd’hui, juste avant l’entrée en vigueur du second jet de confinement, les éditions Grasset et Fasquelle publient une réédition de Raboliot de Maurice Genevoix. Ce roman dans la prestigieuse collection des « Cahiers Rouges » est l’un des plus connus d’un écrivain de génie que l’on a souvent réduit à la guerre qu’il avait mené, ou à la Sologne qu’il aimait. Pourtant, au delà du prix Goncourt et de ses écrits de Poilu, Genevoix est un conteur magnifique au vocable fin.
Le tu et le vous — Étienne Kern
Dans votre livre Le tu et le vous : l’art français de compliquer les choses (Flammarion, 19€), vous dressez un exposé de nos usages parfois byzantins des pronoms, qui en réalité en disent tant sur les relations qu’ils contiennent : héritage latin, Pères de l’Église, traditions « vieille-France » contre Révolution, égalité homme-femme, nouvelles pratiques managériales — c’est avec un humour trempé de sensibilité que vous nous rappelez que nous sommes des expatriés de notre propre langue si nous ne la décortiquons pas.
Traversée — Francis Tabouret
Traversée est un livre indigo qui s’écrit sur la passerelle d’un porte-conteneur. Rappellant Blaise Cendrars et Henri Michaux, ce magnifique journal de bord emmène son lecteur au rythme impavide d’un crossing en cargo. Le narrateur pourrait postuler pour le « club des métiers bizarres » car il est convoyeur d’animaux, sorte de steward pour les mammifères qui voyagent.
Ami de ma jeunesse – Amit Chaudhuri
« Je m’étends sur le lit. La chambre a été « rénovée ». Je déteste ce mot, ce son vibrant, comme si une personne enrhumée essayait de dire « refourguée » ; je ne l’utilise jamais sans une pointe d’ironie. Certes, la chambre a été remise à neuf. Mais bizarrement, elle efface l’ancienne de ma mémoire — tout ce dont je…
Je parle à un homme qui ne tient pas en place – Thomas Coville & Jacques Gamblin.
« Je me sens d’une sensibilité et d’une capacité d’écoute de mes sens que seule une navigation aussi longue et aussi engagée nécessite. Tout est en veille. Je sens le degré, je sens le dixième, je ressens la sinusoïdale de la vague à venir, je ressens le nuage qui fait monter la pression dans mon gréement….